Les colonnes du Temple du Roi SalomonA ce stade, nous sommes en mesure d'identifier les colonnes du Temple avec les deux portes. Pour y être autorisés, nous devons connaître où se trouvaient les deux colonnes Jakin et Boaz. Leur situation découle de l'orientation du Temple. Pour les uns, le Temple était orienté le long d'un axe est-ouest et ouest-est pour les autres. Selon la Bible, il ne devrait pourtant pas y avoir d'ambiguïté sachant qu'en hébreu “droite” signifie toujours sud et “gauche” nord, indication d'une orientation tournée vers l'est. De plus, les chroniques mentionnent: “quant à la Mer de bronze, il l'avait placée à distance du côté droit (sud-est), donc du côté de Jakin”. En conséquence, le Temple était construit comme sur le schéma suivant:
En se tournant vers l'est, le temple se présente comme les deux feuillets d'un livre grand ouvert où la page de droite se lit avant la gauche (en hébreu), où la voie de droite (sud) précède la gauche (nord), celle qui débouche sur un autre monde, une fois la page tournée.
Ces deux aspects évoquent les deux visages du dieu romain de l'initiation, Janus, avec sa face droite tournée vers le passé et le recommencement et sa face gauche regardant vers le futur, sans espoir de retour en arrière (vers le passé).
Un rapprochement avec les formes traditionnelles maçonniques s'impose ici. Notons que dans les Rites Maçonniques Écossais et Français, la Loge est orientée selon l'axe ouest-est à l'instar des églises du Moyen Âge, une orientation apparemment opposée à celle du Temple Jérusalem.
Cependant, dans le Rite Écossais (Ancien et Accepté), Jakin et Boaz sont respectivement placées au sud-ouest et au nord-ouest. Ainsi, Jakin pouvait être assimilée au solstice d'hiver et Boaz au solstice d'été. En dehors du fait que les colonnes sont face au soleil couchant plutôt que levant, il n'y a pas de réelle différence avec la disposition du Temple de Salomon.
Dans le Rite Français, au contraire, Jakin et Boaz sont situées respectivement au nord-ouest et au sud-ouest. En conséquence, Jakin est associée au solstice d'été et Boaz au solstice d'hiver. Cette inversion par rapport à la disposition du Temple de Jérusalem correspond à une vision exclusivement terrestre (au lieu de céleste) où la voie de la clarté est tournée vers la pleine lumière ou le sud terrestre (au lieu du Nord céleste) et la voie de l'obscurité orientée en direction des ténèbres ou du nord terrestre (au lieu du Sud céleste). En effet, cette inversion est conforme à la “Table d'émeraude” qui stipule: “ce qui est en haut (dans l'ordre céleste) est comme ce qui est en bas (dans l'ordre terrestre)” et inversement. Ou encore selon les paroles de l'évangile, “les premiers (au Ciel) seront les derniers (sur Terre)”.
De fait, ces deux dispositions reflètent deux perceptions d'une même réalité à des niveaux différents (céleste et terrestre).
Nous pouvons trouver, dans l'identification de
Jakin et
Boaz respectivement à la
porte des dieux et à la
porte des hommes une confirmation de leur dénomination.
- Boaz traduit la force, mais autre que physique. Elle évoque une force supérieure, la force spirituelle de conscience de l'indestructibilité de l'être réel, l'Esprit.
- Jakin exprime la solidité, la stabilité; elle signifie que l'initié a dépassé le stade des fluctuations humaines et atteint l'état de l'Être se tenant dans l'éternel présent.
Notons que l'orientation du Temple s'accorde parfaitement avec le symbolisme de la
caverne cosmique. En effet, le Vestibule était éclairé par la pleine lumière du soleil visible (lumière extérieure), le Saint lieu par la lumière indirecte du soleil (lumière réfléchie) et le Saint des Saints par le soleil invisible ou spirituel (lumière intérieure), aussi appelé soleil de minuit dans l'ésotérisme islamique. De sorte que les soleils visible et invisible ne pouvaient être respectivement associés qu'à la lumière (est) et à l'obscurité (ouest). L'obscurité ne doit pas être entendue ici en tant qu'absence de lumière, mais comme son principe non manifesté, la source invisible à l'origine de son aspect manifeste ou visible.
Le lien entre le Saint des Saints et l'initiation aux
grands mystères fait comprendre clairement pourquoi son accès était restreint au(x) Prêtre(s) en tant que représentant(s) du pouvoir spirituel.
L'admission du postulant au Saint lieu s'effectuait par une double porte frontale située entre les deux colonnes. Placé au “centre” du Saint lieu et se tournant vers l'est, il était en mesure de voir le soleil se lever, à toute époque de l'année, dans l'intervalle défini par les colonnes. Autrement dit, les colonnes touchaient extérieurement les côtés de l'angle délimité par les deux directions des levers du soleil aux solstices. Cela a pu être de quelque conséquence pour la construction du Temple de Salomon en tant que
caverne cosmique.
Symbolisme architectural des colonnes du TempleLes deux directions du lever et coucher du soleil aux solstices d'hiver et d'été représentent les diagonales d'un rectangle dénommé “rectangle solsticial”. Leur point d'intersection définit le centre du rectangle. Le rapport de ses côtés et l'angle de ses diagonales dépendent de la latitude du lieu de l'observateur. Le schéma ci contre donne ces valeurs pour Jérusalem située à la latitude de 31,8° nord. Pour plus de détails sur sa détermination, consulter la position sur la sphère céleste sur ce site.
Les éléments rassemblés dans la chronique d'Ézéchiel (consulter par exemple le site Ézéchiel 41) fournissent quelques données, exprimées en coudées, qui se rapportent aux dimensions “intérieures” du Temple et figurent sur le schéma suivant.
Si nous superposons, à l'échelle appropriée, le “rectangle solsticial” au plan du Temple, nous voyons que ce dernier peut être recouvert par deux de ces rectangles. Le fait que les deux rectangles solsticiaux ne constituent pas un recouvrement parfait peut résulter de diverses raisons
1, mais cela n'a que peu de conséquence pour notre sujet. En effet, seuls les deux aspects suivants sont importants du point de vue symbolique:
- L'orientation des deux rectangles: l'un tourné vers l'est, l'autre vers l'ouest.
- Les centres des deux rectangles: l'un dans le Saint lieu, l'autre dans le Saint des Saints.
Les deux rectangles ne peuvent être associés qu'aux deux portes: le plus bas, faisant face à l'est et au soleil levant, à la
porte des hommes; le plus haut, faisant face à l'ouest et au soleil couchant, à la
porte des dieux. En relation avec le soleil levant, le rectangle du bas implique un retour à la pleine lumière du soleil de midi et au sud; en liaison avec le soleil couchant, le rectangle du haut signifie la disparition dans la nuit et contemplation du soleil de minuit, au nord.
2Les centres des deux rectangles symbolisent le lieu où le postulant se voyait capable de s'ouvrir à l'Esprit, au soleil levant ou couchant. L'officiant tourné vers l'ouest assiste à la disparition du soleil visible et à l'apparition du soleil invisible, au nord. Placé face à l'est, il pouvait voir le soleil se lever, entre le solstice d'été et le solstice d'hiver, juste dans l'angle délimité par le centre et les bords des deux colonnes. À titre de curiosité, cela a pu être de quelque conséquence pour le lieu d'implantation des colonnes.
Dans la mesure où les colonnes sont situées dans le vestibule dont les dimensions sont connues et touchent les bords extérieurs de l'angle précédent, elles ne pouvaient être éloignées davantage du mur frontal que ne le montre le schéma suivant. Un simple calcul nous permet d'évaluer cette distance.
Selon les chroniques bibliques, les colonnes ressemblaient à des cylindres de 12 coudées de
circonférence ou de 1,9 coudée de rayon comme le montre le schéma ci-dessous.
Dès lors
CD = CB/cos(28°) = 2,2
DH = AH − AD = AH − (AC+CD)
DH = 10 − (1,9+2.2) = 5,9
Comme
OJ = 10/tan(28°) = 18,9
OH = DH/tan(28°) = 11,2
Nous obtenons
OK = OJ − KJ = 18,9 − 11 = 7,9
KH = OH − OK = 11,2 − 7,9 = 3,3
Ainsi, les colonnes n'étaient qu'à 1,4 coudée (3,3 − 1,9) du mur frontal et, en conséquence, proches de celui-ci.
BibliographieRené Guénon:
“Symboles de la Science sacrée”. Éditions Gallimard 1962;
Notamment, les chapitres sur le symbolisme de la forme cosmique.
“L'homme et son devenir selon le Vêdânta”. Éditions Traditionnelles 1991;
Spécialement, le chapitre XXI sur le “voyage divin”.
Jean Ferré:
“Dictionnaire des symboles maçonniques”. Éditions du Rocher 1997.
David Fontana:
“Le langage secret des Symboles”. Éditions France Loisirs.
1 retour Entre autres raisons, le manque de données précises sur les dimensions du Temple et, en particulier, sur l'épaisseur des murs ainsi que sur les mesures azimutales du soleil levant à l'époque de Salomon. De plus, pour approcher les conditions d'observation astronomique, la réfraction des rayons solaires, due à la variation de la densité de l'air, devrait être prise en compte.
2 retour Notons que l'église du Saint Sépulcre à Jérusalem est également construite sur la base de deux rectangles semblables à ceux du temple de Salomon.
Source : http://users.skynet.be/lotus/colonne/col0-fr.htm